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Par florian guille le 7 Novembre 2014 à 10:55
André Kaspi, Robert Paxton, Serge Berstein, Henri Rousso… ces noms vous sont peut-être moins familiers que celui d'Eric Zemmour, auteur d'un "suicide français" dont les ventes semblent témoigner d'un intérêt soutenu pour les thèses qu'il soutient.
Il en est une que les historiens, non les chroniqueurs des fièvres du temps présent, ont déjà réfutée. Celle selon laquelle le maréchal Pétain aurait sacrifié des Juifs (de nationalité étrangère à la France) pour en sauver d'autres (ceux de nationalité française).
La thèse de Zemmour semble d'abord reprendre la veine d'un Robert Aron, journaliste défenseur de Pétain lors du procès du chef de l'État vichyste en 1945-46 : "le glaive et le bouclier". Pétain aurait protégé le pays occupé de crimes pires que ceux vécus, en jouant le rôle du bouclier intérieur, tandis que par une alliance psychologique secrète, il laissait à de Gaulle le soin d'être le glaive qui pourfendrait l'occupant le moment venu…
De Gaulle, un allié lui-même fort inconscient de cette alliance puisqu'il fut dégradé le 22 juin 1940 au rang de colonel, jusqu'à être spolié de ses biens et condamné à mort par contumace le 2 août 1940, par l'État même de Vichy.
http://www.gaullisme.fr/54cdg_condamne_mort.htm
Zemmour contredit ensuite les faits, rapportés avec l'ambiguïté d'un polémiste qui ne cherche pas à établir des éléments concrets d'analyse, mais à éveiller des sentiments de perplexité, visant une forme d'impunité morale de la société française ou de la France…
Sources
→ Les chiffres de la population juive française entre 1940 et 1944, rappelés par André Kaspi :
"En 1940, il y avait, selon les historiens, quelque 340.000 Juifs en France dont environ 150.000 étrangers. Quelque 76.000, dont 25.000 Français, ont été déportés. Pour André Kaspi, la thèse de Zemmour est "une déformation de la réalité" car "c'est la population qui a été responsable du sauvetage de Juifs et non pas le régime de Pétain"."
→ Le témoignage de Daniel Cordier, réfutant l'idéologie une seconde fois (celle de l'Action française antisémite, puis celle de Zemmour) pour en revenir à l'Histoire :
"La tentative de réhabilitation de Philippe Pétain et de son attitude pendant l'Occupation orchestrée par Eric Zemmour hérisse au plus haut point Daniel Cordier. « Pétain était le traître absolu et je regrette qu'il n'ait pas été fusillé après la guerre » , assure-t-il. Il rappelle comment le discours de capitulation du Maréchal, le 17 juin 1940, le fit pleurer de rage et décida de son départ vers Londres. Il évoque à toutes fins utiles la collaboration volontaire du gouvernement de Vichy, et notamment les premières lois juives votées avant même que l'Allemagne n'en formule l'exigence. L'antisémitisme de Daniel Cordier ne résista pas à cette application brutale du discours théorique qu'il défendait avec l'Action française. L'image d'un homme et d'un enfant portant l'étoile jaune acheva de le révulser. Alors Pétain, défenseur des juifs, comme le prétend Eric Zemmour ? Daniel Cordier part d'un grand éclat de rire."
→ Serge Berstein, spécialiste du XXè siècle et des études sur le fascisme français, et qui souligne la construction sophistique de Zemmour ("90% des juifs français n'ont pas été déportés sous Vichy / Pétain gouvernait la France de Vichy / Pétain a oeuvré pour sauver 90% des Juifs français") :
http://www.lesinrocks.com/2014/10/06/actualite/serge-berstein-zemmour-petain-11528197/
"Robert Paxton n’a jamais dit que Vichy puis la France étaient le mal absolu. Il a formulé, à partir d’archives allemandes en particulier, une critique très sévère du régime de Vichy qui repose sur le fait que c’est Vichy qui a devancé les attentes des Allemands en proposant des mesures avant même qu’elles soient formulées. Ce n’est pas exactement la même chose."
Vichy ne serait pas un "protecteur", mais est plutôt une mouvance souverainiste traditionaliste arrivée au pouvoir pour solder les comptes de la république parlementaire ; les accointances avec Vichy sont non ponctuelles, mais de l'ordre de la stratégie. Elles permettent d'ailleurs "la mise en oeuvre (politique) d'un antisémitisme culturel français".
→ Le point sur l'engagement antisémite de l'État français de Vichy, par Robert Paxton, qui fustige l'exploitation zemmourienne de "la peur du déclin français" :
"Toutes les mesures de Vichy concernant les juifs visaient autant les citoyens français que les immigrés, mise à part celle du 4 octobre 1940 ordonnant l’internement des « ressortissants étrangers de race juive ». Certaines dispositions, il est vrai, furent prises afin d’exempter les vétérans de guerre et les juifs qui avaient rendu à la France des services particuliers (qui n’étaient pas nécessairement citoyens français), ainsi que des familles installées dans l’Hexagone depuis cinq générations. Dans les faits, toutefois, peu de personnes bénéficièrent de ces exemptions, et il arriva que certaines d’entre elles finissent par être déportées."
"En fin de compte, les Allemands s’emparèrent de tous ceux qu’ils purent, français ou non. Un tiers des 76 000 juifs déportés était des citoyens français, dont, il est vrai, des enfants nés en France de parents immigrés. L’extermination de 25 % des juifs de France ne fut pas une issue positive. La France avait bien plus de possibilités de dissimuler les juifs que la Belgique et les Pays-Bas, où la présence allemande était plus forte. L’exemple de l’Italie permet d’établir une meilleure comparaison. L’occupation allemande y débuta plus tard, mais se termina plus tard aussi, en mai 1945. Ne pouvant compter ni sur l'aide de l’Etat italien ni sur celui de sa police, les nazis ne furent en mesure de mettre la main que sur 16 % des juifs d'Italie. Si en France la police de Vichy participa activement aux arrestations, elle le fit avec de moins en moins de zèle à partir du début de l’année 1943".
→ Pour repréciser les avancées liées aux travaux de Robert Paxton (par Thomas Wieder) :
→ Un livre parmi bien d'autres, celui d'Henri Rousso pour contrer les "idées poisseuses" d'Eric Zemmour :
http://www.puf.com/Que_sais-je:Le_régime_de_Vichy
Aussi Pétain apparaît-il aujourd’hui aux historiens, selon le mot de Jean-Pierre Azéma, comme « un bouclier percé ».
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Par florian guille le 29 Octobre 2014 à 16:00
Chapitre 1 - programme Tale ESL
Les lieux de mémoire du débarquement en Normandie :
Étude de cas :
La mémoire de la résistance au plateau des Glières (janvier - mars 1944)
https://www.youtube.com/watch?v=mnH_w1WlI7Q&feature=youtu.be
→ Un exemple de mémoire résistancialiste : volonté d'unifier et de synthétiser la complexité historique en un élan de résistance général.
Des motivations à la fois psychologiques (une mémoire construite "à chaud" durant le massacre, pour combattre la propagande vichyste), politiques (enraciner le sentiment de rassemblement dans la France Libre, témoigner en direct du premier combat de reconquête du territoire national) et symboliques (une jeunesse sacrifiée à honorer, une nation libérable).
Un exemple d'étude de documents :
Les MOOC du chapitre par des collègues :
→ https://www.youtube.com/watch?v=6TGLBemkyZs
→ https://www.youtube.com/watch?v=-xVP9HemCWU
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